Au cœur de récents bouleversements dans le secteur financier africain réside le retrait progressif des banques occidentales, laissant dans leur sillage une série de questions complexes. Pour éclairer cette intrigue financière, une conférence de haute volée, organisée par l'African Business Club, a convié le 25 janvier 2023 à l'ESCP Paris un panel éminent d'experts. Parmi eux figuraient Monsieur Serge RAYMOND, Managing Director de Vistabank France, Monsieur Jean-Luc AKOTO, Président & Fondateur de Limaya Capital et ancien Directeur adjoint de la BNP Paribas pour la région de l'Afrique sub-saharienne, Monsieur Donat ELOUNDOU, Co-fondateur et Associé de Thekla, ancien Directeur des Fusions et Acquisitions chez Deloitte Afrique, ainsi que Monsieur Thierry VIRCOULON, Coordinateur de l'Observatoire de l'Afrique Centrale & Orientale.
L'événement a débuté par une allocution inaugurale de Maxime ALLAKERE HORMO, responsable du pôle Meet & Share, suivi des mots de bienvenue prononcés par Monsieur Yannick MEKWEGNE, Secrétaire Général de l'association, qui a également brossé un bref portrait de celle-ci. La conférence fut ensuite modérée par Mike TAYOU et Louis TENGO.
Analyse des motifs sous-jacents au retrait des banques occidentales : perspectives et interrogations
La saga d'acquisitions lancée en juin 2021 par le groupe Vista dirigé par Simon Tiemtore, acquérant successivement BNP Burkina Faso et Guinée, suivi par les filiales de la Société Générale en Guinée Équatoriale et au Burkina Faso, cristallise l'ampleur de ces mouvements. Simultanément, Coris Bank, dirigé par Nassa Idrissa, a pris en charge les activités de la Société Générale au Tchad et en Mauritanie, pour n’en citer que ceux-ci, témoignant d'une dynamique sans précédent.
Le retrait des filiales occidentales soulève une myriade de questions quant à leurs motivations profondes. Pour Serge Raymond, expert financier, cette décision ne se réduit pas à une simple quête de rentabilité, car la dynamique économique locale varie considérablement. Il souligne que bien que ces institutions réalisent des bénéfices, ceux-ci peuvent être érodés par des facteurs tels que l'inflation, mettant en doute la pérennité des gains.
Donat, Partner chez Thekla Partners, avance que la conformité réglementaire ne saurait être le seul motif, les filiales disposant souvent d'excédents de capitaux. Trois motifs principaux émergent : une restructuration stratégique, l'abandon de marchés non essentiels, et des défis de gouvernance.
Quant à Jean-Luc Akoto, la multiplicité des motifs de départ, liés au modèle économique de chaque institution est à souligner. Si les activités corporatives peuvent être rentables à court terme, le secteur de détail exige une vision à long terme, nécessitant plusieurs années pour devenir rentable. La faible bancarisation ne constitue pas un obstacle majeur, mais plutôt une incitation à investir.
Les implications et défis de l'intégration des filiales : une vision holistique
L'intégration des filiales des grandes banques occidentales n'est pas exempte de défis. Selon Serge Raymond, chaque acquisition est une entreprise unique, nécessitant des ajustements au niveau du personnel, de la clientèle, et des systèmes d'information. Cependant, selon Donat, ces acquisitions peuvent également favoriser des synergies, offrant à l'acquéreur des compétences spécialisées telles que la gestion des risques.
Le retour des États dans l'arène bancaire : un regard prudent
L'analyse de Jean-Luc Akoto souligne la stratégie opportuniste des États, cherchant des financements pour leurs programmes de développement. Bien que certains États détiennent des participations minoritaires dans les banques, le choix de repreneurs crédibles reste crucial. Les contraintes réglementaires peuvent limiter l'influence des États, mais ces derniers demeurent des acteurs clés du secteur.
Le chemin à parcourir : perspectives et avenir du secteur bancaire
Face à des besoins de financement colossaux, les banques panafricaines sont-elles en mesure de répondre à l'appel ? Serge Raymond souligne que bien que les banques aient des capacités financières considérables, elles ne peuvent être les seules à financer tous les projets nationaux. Les services de mobile money ne sont pas perçus comme une menace directe, mais plutôt comme un moyen complémentaire de digitalisation d’après Jean-Luc Akoto.
La consolidation du secteur bancaire, bien que modeste à court terme, pose des défis internes et externes. Pour Donat, les contraintes réglementaires ne justifient pas nécessairement la consolidation du secteur, car les filiales peuvent être surcapitalisées ou bénéficier de fonds supplémentaires de leurs maisons mères. À court terme, les changements seront modestes, avec de nouvelles banques émergentes et une possible expansion des banques nigérianes sur le marché francophone.
Dans ce contexte, l'entrée éventuelle des banques chinoises suscite l'intérêt. Thierry Vircoulon, souligne que cette expansion est probable, étant donné l'engagement économique croissant de la Chine en Afrique. Les banques chinoises, souvent des entités publiques, poursuivent une stratégie d'internationalisation mais aussi l’objectif de l’Etat chinois à savoir contribuer à l'utilisation du yuan comme monnaie d'échange.
La séance s'est conclue par une série de questions-réponses, offrant un éclairage supplémentaire sur des sujets d'intérêt tels que le mobile banking et les défis internes et externes auxquels est confronté Vista Bank et d’autres banques panafricaines.
Ecrit par Maxime ALLAKERE HORMO
DEOU-ASSAL MADJADOUM SYLVÈRE
Comment le retrait des banques occidentales affecte-t-il les entreprises africaines, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) ? Je tiens à féliciter le rédacteur pour cet article informatif et bien documenté qui apporte un éclairage précieux sur un sujet d'actualité crucial pour le développement économique de l'Afrique. L'analyse approfondie des différents aspects du retrait des banques occidentales et des implications pour les acteurs locaux est particulièrement appréciable.